Une promenade poétique dans Bruxelles

04 août 2023
J'existe
© visit.brussels - Jean-Paul Remy - 2021

Notre alphabet compte 26 lettres. Les poètes urbains en font des merveilles. Ils enchaînent les mots et font apparaître comme par magie la poésie la plus évocatrice, la prose la plus remarquable et les vers les plus saisissants. Avez-vous déjà lu une déclaration d'amour à couper le souffle ? Une lettre de remerciement peut-être ? Un récit personnel émouvant ? Le pouvoir des mots est indéniable. La ville est elle aussi porteuse de nombreux messages, la poésie des mots est omniprésente. Il suffit de bien regarder : dans les stations de métro et les vitrines des magasins, sur les murs et dans les parcs, et sur les portes des toilettes des cafés bien sûr !

L'art des mots au fil des parcs

Un labyrinthe du monde - Marguerite Yourcenar (Jean-François Octave - 2004)

La situation du parc d'Egmont est unique. Il se trouve au coeur des îlots formés par la Rue aux Laines, le Boulevard de Waterloo et la rue du Grand Cerf dans le Pentagone. Ses grandes pelouses entourées d'arbres majestueux dégagent une sensation de paix et de calme presque irréelle . Dans le passage "Marguerite Yourcenar", vous pourrez vous laisser emporter par 14 citations gravées dans la pierre de "L'oeuvre au noir", l'un des romans les plus connus de Marguerite Yourcenar. La rue aux Laines mène au parc en passant par le "labyrinthe", une cour carrée, des escaliers à gravir, une rotonde et une fontaine. Là où se dressait l'imposant hôtel de maître où l'écrivaine est née en 1903 (193 Avenue Louise), l'artiste belge Jean-François Octave a créé, 100 ans plus tard, une "maison ouverte" de 16 m2 à sa mémoire. Dans ‘Un labyrinthe du monde’, il mêle des photos de l'écrivaine à ses écrits dans des panneaux de couleurs vives.

La Fleur en Papier Doré - Het Goudblommeke in Papier

À une échelle nettement plus réduite, la petite Place de Dinant donne sur la rue des Alexiens. La clôture de ce modeste espace vert porte des inscriptions qui font sourire les promeneurs attentifs."Kommobinne Menier Pieters tès vèi opagat te valle of tza moete zain dageda skuun vindt? Den iene zaïget zoe en den andere zaïget anders en zémme alletwie gallaik". Tels sont les propos poétiques en dialecte bruxellois de Geert van Bruaene, le fondateur du mythique café littéraire et culturel La Fleur en papier doré, situé un peu plus bas. Le marchand d'art, poète et créateur de théâtre en a fait le lieu de rencontre des artistes du mouvement surréaliste Cobra et, plus tard, de la rédaction du magazine Tijd en Mens. Les nombreux dessins, photographies et autres objets qui ornent les murs témoignent de la présence de ses illustres hôtes. Pierre Alechinsky, Louis Scutenaire, René Magritte, Georges Rémi (Hergé) ...  Et après la guerre Christian Dotremont, le jeune Hugo Claus, Jean Dubuffet, Louis Paul Boon, Simon Vinkenoog : la liste est longue ! 

La poésie prend le métro

Avec plus de 80 œuvres d'art dans 69 stations de (pré)métro de la STIB, vous pouvez littéralement voyager dans la plus grande galerie d'art souterraine de Bruxelles. Vous trouverez certainement votre bonheur parmi toutes les gravures, photos, sculptures, peintures et installations d'artistes belges célèbres ou moins connus ! Avecdes oeuvres de Stephan Vanfleteren, Roger Raveel, Berlinde De Bruyckere, Pol Mara, Jo Delahaut, Vic Gentils, An Van Gijsegem, Roger Somville, Jan Cox, Nora Theys, Vincen Beeckman, et bien d'autres encore...

De stad beweegt in de palm van mijn hand - Metro De Brouckère (Jan Vanriet -2004)

De stad beweegt in de palm van mijn hand’, Jan Vanriet. Les travaux de réaménagement de la station De Brouckère sont achevés depuis peu. Les œuvres d'art y sont désormais mieux mises en valeur. Jan Vanriet réjouit les voyageurs  : il a disposé sur toute la longueur des murs encadrant les tapis roulants une sorte de récit en images où se rejoignent différents thèmes. Il est jalonné de photographies et de linogravures faisant référence à l'architecture et à l'histoire du lieu. L’artiste s’est notamment inspiré d'un poème de Benno Barnard, et d’une chanson de Jacques Brel évoquant les lieux

Sol - Grond - Metro Trône - Troon

Dans la station de métro Trône, "Sol/Grond", de l’artiste pluridisciplinaire Patrick Bernatchez, est le résultat d'un échange culturel entre la Belgique et le Canada. Inspirée par des histoires d'exploitation de la nature et de l'homme, l'œuvre prend tout son sens, tant ici qu'au Canada. L'artiste a assemblé dans le bronze des carottes de forage en provenance du Congo et du territoire Inuit. Il s'en est servi comme base pour graver des fragments de témoignages de deux survivants de la colonisation dans les deux régions. En plaçant les carottes sur des supports verticaux, elles forment une main courante, un point d'ancrage matériel et culturel de part et d'autre de la station au niveau des mezzanines.

De la poésie à tous les étages

Dans une ville qui compte 184 nationalités, la richesse linguistique de Bruxelles est avérée. Vers Brussel - Poésie en ville, un projet de Passa Porta datant de 2004, a donné à la poésie multilingue une place éminente et permanente dans la capitale. Une dizaine de poètes issus des quatre coins du monde se sont immergés pendant une semaine dans la vie quotidienne d'un quartier bruxellois en compagnie d'un artiste plasticien belge. Résultat ? Une dizaine d'odes poétiques à la métropole, en interaction avec autant d'œuvres d'art dans dix quartiers différents. Ces impressions partagées sont encore visibles aujourd'hui sous la forme d'un parcours surprenant sillonnant la ville.

Sol - Grond - Metro Trône - Troon

mbogo où es-tu, waar ben je? L'artiste bruxelloise Els Opsomer vit et travaille alternativement à Bruxelles et à Rufisque, au Sénégal. Elle a conçu une sculpture en inox d'après les poèmes du poète congolais Kasele Laïsi Watuta avec qui elle a exploré Jette. L'œuvre joue avec les différentes perspectives qu'offrent le site et les appartements qui l'entourent. Si vous voulez l’apprécier pleinement, vous devez pénétrer au sein même du bâtiment, d’où vous pourrez lire un vers du poète dans l'écriture agrandie de l'artiste ! Au rez-de-chaussée, le socle de la sculpture sert tantôt de banc ou d’espace de jeux aux habitants du quartier.... La réinterprétation de notre réalité mondialisée par Opsomer est ainsi liée à la tension entre l'aliénation et la reconnaissance dans la métropole qui est au centre des poèmes de Kasele.

Pasing by. La poétesse polonaise Agnieszka Kuciak et l'artiste plasticien belge Peter Weidenbaum se sont rendus dans le quartier du Rond-point Montgomery où ils ont été  frappés par l’agitation incessante de la ville. Leur collaboration a débouché sur la construction d'une chaise de sauveteur monumentale. Je dois décevoir ceux qui voudraient y monter : l'expérience se déroule au pied de la sculpture où vous pourrez, l'espace d'un instant, oublier la frénésie des lieux en lisant un poème d'Agniezka Kuciak. Un moment d'immobilité dans un environnement en mouvement perpétuel.